29 avril 2023
Le 26 avril 2023 a été inaugurée la clinique juridique de Bunyakiri en République démocratique du Congo (RDC). Soutenu par la Croix-Rouge luxembourgeoise, cet établissement de la Fondation Panzi permettra d’accompagner les survivantes de violences sexuelles dans leurs démarches juridiques, en complément de la clinique de Kavumu déjà inaugurée fin 2022.
La Fondation Panzi est une ONG qui, depuis 2008, intervient en complément des activités du Dr. Mukwege pour soutenir les survivantes de violences sexuelles dans leur parcours. Après avoir reçu des soins médicaux et un suivi psycho-social, elle leur apporte un soutien juridique et les accompagne dans leur réinsertion socio-économique. Au moins 5000 femmes sont soutenues chaque année à travers sa quarantaine de projets.
Nous avons rencontré Marie-Grace Kaboyi, coordinatrice projets de la Fondation Panzi, et Alexander Jacoby, responsable des projets RDC au sein de la Croix-Rouge luxembourgeoise.
Marie-Grace Kaboyi (MGK) : Sur le volet juridique, nous fournissons aux survivantes de violences sexuelles écoute, assistance et accompagnement, par exemple pour la rédaction de plaintes. La sensibilisation à leurs droits est également importante. Quand un enfant naît, il faut l’enregistrer à l’état civil dans les trois mois. Sinon, un jugement supplétif – qui est payant – est nécessaire. Ainsi, 300 jugements supplétifs ont été délivrés avec l’appui de la Croix-Rouge luxembourgeoise en 2022.
Dans un but de réinsertion socio-économique, les survivantes de violences sexuelles peuvent suivre des cours d’alphabétisation puis font le choix d’une filière pour apprendre un métier parmi la savonnerie, la couture, la coiffure, la maroquinerie, la pâtisserie ou encore la menuiserie. Elles peuvent aussi bénéficier d’un appui en semences agro-pastorales.
En outre, nous accompagnons en moyenne 500 mutuelles de solidarité (MUSO), dont 80 sont soutenues par la Croix-Rouge. Les MUSO sont des cercles de femmes ayant vécu les mêmes souffrances qui se soutiennent psychologiquement, socialement et financièrement une fois leur parcours terminé. Mais d’autres femmes en font partie, ainsi que des hommes, grâce à notre travail de sensibilisation sur la masculinité positive. Elles en sont fières car cela montre qu’elles sont prises au sérieux par la communauté. Certaines MUSO ont excellé et sont désormais totalement indépendantes.
MGK : Une de nos grandes difficultés est liée à la sécurité. Les conflits armés sont toujours très présents en RDC et la violence basée sur le genre très répandue. Etant donné la mission de la Fondation Panzi – faire avancer le changement et mettre fin au viol comme arme de guerre – nous sommes parfois menacés. Nous avons besoin de plus d’implication des autorités. En plus de cela, l’accès aux bénéficiaires est parfois rendu difficile par l’état défectueux des routes.
Un autre enjeu est lié à l’aspect économique. Nous lançons des initiatives génératrices de revenus qui nous permettraient d’être moins dépendants de nos partenaires. Par exemple, nous avons créé un atelier de production de jus grâce à la récolte, le transport et la transformation des fruits par les femmes. Mais comme nous voulons les rémunérer au mieux, l’activité est difficilement rentable.
MGK : Pour développer la transformation alimentaire comme la production de jus de fruits, notre objectif à long-terme est d’arriver à une coopérative.
AJ : Nous souhaitons développer des activités qui servent à la fois à la formation, à la création d’emplois et à la génération de revenus, comme la menuiserie. Elle permet aux survivantes de violences sexuelles de construire leurs propres portes, fenêtres et meubles depuis un an. Elles ont ainsi fabriqué elles-mêmes les portes et fenêtres de maisons que nous avons construites dans le cadre du projet. C’est incroyable qu’elles aient pu fabriquer 140 fenêtres et 20 portes dans un délai aussi court ! Avec la présence de l’hôpital et des cliniques juridiques, des lits et autres meubles sont nécessaires. Nous pouvons donc créer des synergies. Cette année, nous allons créer un gros atelier équipé de machines et souhaitons distribuer des kits d’outils. Les bénéficiaires pourront produire des meubles pour elles-mêmes et répondre aux sollicitations des communautés dans ce domaine. C’est une fierté pour elles d’être capables d’accomplir un métier longtemps attribué aux hommes.
AJ : Je suis satisfait de voir la motivation et la collaboration suscitées par ce projet, qu’il s’agisse de nos partenaires et donateurs ou d’autres acteurs. Par exemple, le Centre de Réhabilitation Château de Colpach, le Barreau de Luxembourg et le Centre Hospitalier de Luxembourg ont déjà participé en formant du personnel de l’hôpital de Panzi et des cliniques juridiques ou en fournissant du matériel qui a été transporté en collaboration avec Hôpital Sans Frontières à Bukavu. Il y a une belle dynamique de collaboration entre tous ces acteurs et je tiens à les remercier pour l’appui à la prise en charge des survivantes de violences sexuelles.
MGK : Je tiens à remercier la Croix-Rouge luxembourgeoise pour son soutien qui a permis de redonner le sourire aux bénéficiaires. Ce sont des femmes qui ont longtemps été marginalisées et stigmatisées et qui n’avaient nulle part où vivre décemment. Aujourd’hui, on peut voir sur leur visage que leur vie a changé.